Q : Monsieur  l'Ambassadeur, quels sont vos vœux pour une meilleure coopération entre la Côte  d'Ivoire et l'Inde en cette nouvelle année (2022), et qu'est-ce que l'Ambassade  de l'Inde envisage de faire dans ce sens ?
                                
R : Tout d'abord, je vous souhaite, à vous et au peuple ami  de la Côte d'Ivoire, une très bonne année au nom du peuple et du gouvernement  de l'Inde. à l'aube de cette nouvelle année pleine d'espoir, je crois fermement  que nous surmonterons ensemble la pandémie de Covid-19. Nous espérons également  travailler davantage au renforcement de nos liens bilatéraux. L'Inde et la Côte  d'Ivoire sont des démocraties dynamiques, multilingues et multi-religieuses qui  entretiennent des relations cordiales et harmonieuses.
                                
Bien que solides, nos relations ne sont pas encore à la hauteur de leur  énorme potentiel. C'est pourquoi, l'Ambassade de l'Inde, dans la mesure de ses  capacités limitées, est allée au-delà de la simple mise à disposition  d'informations afin de libérer ce potentiel. Spécifiquement, elle a engagé de  manière proactive ses interlocuteurs ivoiriens dans les domaines du commerce et  des investissements. Ainsi, en coordination avec le CEPICI et la Chambre de  Commerce et d'Industrie de Côte d'Ivoire, l'Ambassade a déjà organisé trois  forums d'affaires Inde-Côte d'Ivoire. Le quatrième et dernier en date s'est  tenu le 21 janvier 2022, à Yamoussoukro. Ces forums ont facilité les  interactions B2B, B2G et B2C, qui ont commencé à porter leurs fruits.
                                
Je suis impatient de travailler avec nos interlocuteurs ivoiriens dans le  but de renforcer notre partenariat, en m'appuyant sur la bonne volonté et la  chaleur que nos peuples partagent l'un pour l'autre. Mes efforts viseront à  promouvoir davantage l'Inde en Côte d'Ivoire et vice versa.
                                
Q- Quels efforts  pourraient permettre aux deux pays d'améliorer leurs relations bilatérales,  notamment dans les secteurs clés de l'économie ? Quel est l'état de cette  coopération aujourd'hui ?
                                
R: Pour l'Inde, la Côte d'Ivoire est un partenaire  important. Nous partageons des préoccupations communes dans les forums  internationaux et sommes attachés au multilatéralisme. Ces dernières années,  nos échanges et interactions se sont considérablement approfondis et ont gagné  en substance et en contenu, du fait des immenses possibilités de coopération  disponibles. Pour débloquer et exploiter ces opportunités, nous devons  travailler ensemble en tant que partenaires égaux, en particulier dans les  secteurs clés où nous avons des complémentarités, tels que la santé et  l'industrie pharmaceutique, l'éducation, le renforcement des capacités et la  formation, les TIC, l'agriculture, les industries agroalimentaires,  l'automobile et les mines. Nous devons également encourager les relations entre  nos peuples et  promouvoir non seulement  le commerce, mais aussi le tourisme. Dans ce sens, la communauté indienne  dynamique de Côte d'Ivoire a été et peut toujours être un pont indispensable à  la consolidation de nos liens bilatéraux.
                  
                    
 
                                
Q. Comment la communauté  indienne de Côte d'Ivoire contribue-t-elle au développement de notre pays ?
                                
R: La diaspora constitue un pont important dans le  développement de relations bilatérales solides entre les pays et permet de  générer une valeur ajoutée inestimable. La communauté indienne en Côte d'Ivoire  est relativement petite, mais très dynamique. La majorité des hommes d'affaires  indiens sont impliqués dans le commerce et se retrouvent dans des secteurs clés  de l'économie ivoirienne comme l'agriculture, la transformation de la noix de  cajou, le coton, les soins de santé, la pharmacie, ainsi que l'automobile. La  communauté et les entreprises indiennes ont contribué de manière significative  au développement du pays au fil des ans. On compte près de 200 entreprises  indiennes ou entreprises contrôlées par des intérêts indiens en Côte d'Ivoire.  Ces entreprises réalisent des investissements et emploient des milliers  d'Ivoiriens. En plus de fournir des emplois, elles contribuent également à la  formation des populations locales et à l'amélioration de leurs perspectives  d'avenir.
                                
Ces deux dernières années ont été marquées par d'importants défis  internationaux liés à la pandémie de COVID-19. Toutefois, en raison des liens  organiques entre les peuples de l'Inde et de la Côte d'Ivoire, cette situation  n'a pas entamé les fortes relations économiques qui lient les deux pays. Dans  la reconstruction des pans de l'économie qui ont été touchés, et de l'économie  en générale, les entreprises indiennes continueront à jouer un rôle important.  En outre, l'augmentation du volume commercial et des investissements -  essentiels pour garantir une économie forte en stimulant la productivité et la  création d'emplois - apparait comme un levier incontournable pour surmonter les  défis économiques sans précédent posés par la pandémie.
                                
Toujours face à la pandémie, la communauté indienne de Côte d'Ivoire s'est  montrée à la hauteur de la situation et s'est associée aux efforts  d'atténuation déployés par le gouvernement ivoirien. La République de l'Inde de  son côté, a autorisé l'exportation de médicaments nécessaires à la Côte  d'Ivoire et a fait don de 50 000 vaccins Covid-19, fabriqués en Inde. Alors que  nous sortons lentement de la crise, l'Inde se réjouit de travailler avec la  Côte d'Ivoire pour améliorer considérablement sa coopération dans les domaines  de la santé et de l'industrie pharmaceutique.
                                
Q. Selon certains  rapports, les relations commerciales entre l'Inde et la Côte d'Ivoire  continuent de croître et sont estimées à 457 milliards de FCFA en 2017, et 569  milliards en 2018, soit une augmentation de 24,5 %. Quelle est la  situation aujourd'hui ?
                                
R. Au fil des ans, nos relations bilatérales ont fait du  chemin. Elles se sont diversifiées dans plusieurs domaines et se sont  développées à pas de géant. Le commerce et les investissements se sont  également développés progressivement. Outre le commerce traditionnel de la noix  de cajou, de nombreuses entreprises et plusieurs entrepreneurs indiens sont  présents en Côte d'Ivoire, dans des secteurs clés de l'économie tels que  l'agriculture et l'agro-industrie, les matériaux de construction,  l'exploitation minière, l'industrie pharmaceutique et l'automobile. Selon des  études récentes, les entreprises indiennes en Côte d'Ivoire ont investi plus  d'un milliard de dollars US dans divers secteurs de l'économie. Le commerce  bilatéral entre les deux nations qui s'élevait à seulement 344,99 millions USD  en 2011, a franchi la barre du milliard USD en 2019. Il y a eu une légère  baisse en 2020 en raison de la pandémie de covid-19. Je suis convaincu que cela  reprendra bientôt. Nous nous attendons à davantage d'investissements indiens en  Côte d'Ivoire, car nos économies commencent à se dégager de l'ombre de cette  pandémie. Selon les données officielles, le commerce bilatéral entre nos deux  pays, d'avril à octobre 2021, s'élève à 616 millions de dollars.
                                
Q. Pensez-vous que la  valeur de ces échanges reflète une bonne coopération entre la Côte d'Ivoire et  l'Inde ?
                                
R. Je pense, effectivement, que le commerce et les investissements  bilatéraux ont connu une croissance régulière au fil des ans et que cela  reflète une bonne coopération. Toutefois, nous devrions redoubler d'efforts  afin de libérer le potentiel existant.
                                
Q. La Côte d'Ivoire  étant le plus grand producteur de noix de cajou au monde, et l'Inde le plus  grand transformateur de noix de cajou au monde, qu'est-ce qui peut être fait, à  votre avis, pour optimiser les revenus des deux partenaires ?
                                
R. Oui, la Côte d'Ivoire est le plus grand producteur et  exportateur de noix de cajou brutes et l'Inde est le plus grand transformateur  et consommateur de noix de cajou. Pour moi, il s'agit d'un mariage parfait en  termes de coopération. Jusqu'à récemment, l'Inde était le principal importateur  de noix de cajou brutes de Côte d'Ivoire. Toutefois, notre coopération dans ce  secteur s'accroît en termes de valeur ajoutée, car les investisseurs indiens  installent désormais des unités de transformation en Côte d'Ivoire. Selon les  données disponibles, l'investissement privé de l'Inde dans cette industrie est  de l'ordre de 118 millions de dollars. La plus grande unité de transformation  de noix de cajou a été mise en place par un investisseur indien avec une  capacité installée de transformation de 50.000 tonnes de noix de cajou brute.  Elle peut être portée à 70 000 tonnes, un objectif que la société espère  atteindre d'ici 2022-23.
                                
Q. La coopération entre  la Côte d'Ivoire et l'Inde comprend également le parc technologique de  Grand-Bassam. Comment évolue cette coopération et, le cas échéant, quelles sont  les perspectives dans ce domaine ?
                                
R. Le projet de développement bilatéral du parc  informatique et biotechnologique Mahatma Gandhi au VITIB, à Grand Bassam, est  un exemple brillant de l'engagement de l'Inde et de notre excellente  coopération. Le projet comprend la toute première usine d'assemblage  d'ordinateurs du pays et le tout premier laboratoire d'ADN, un laboratoire de  mise en réseau informatique, un centre de stockage de données et un laboratoire  audiovisuel, entre autres.
                                
Le parc offre des avantages tels qu'une exonération fiscale sur les revenus  pendant cinq ans, une exonération de TVA, une exonération des droits de douane  sur les importations - de matériel et des équipements de construction et  d'infrastructure en particulier - et les exportations, entre autres.  Aujourd'hui, le parc informatique abrite 70 entreprises et vise à créer  40 000 emplois à long terme, ainsi qu'un complexe résidentiel offrant des  logements à près de 20 000 employés. Le VITIB a réussi à attirer de  nombreux investisseurs, dont deux entreprises pharmaceutiques indiennes de  pointe, M/s Africure Pharma et M/s Pharmanova. Africure a une capacité de  production annuelle d'environ 1 milliard de comprimés et de 15 millions de  sirops. Pharmanova a une capacité de production de 215 millions de comprimés et  de 10 millions de capsules par an. Ces deux entreprises pharmaceutiques  indiennes peuvent contribuer à réduire la dépendance excessive de la Côte  d'Ivoire vis-à-vis des importations et à faire baisser le coût des médicaments dans  le pays.
                                
Q. Qu'en est-il de la  mise en œuvre de la plateforme de collaboration Côte d'Ivoire-Inde dans le  domaine de la santé ?
                                
R. Le sommet de l'UA en 2015 a défini un Agenda 2063 pour  parvenir à une Afrique prospère grâce à un développement inclusif et durable.  Le but principal des Objectifs de Développement Durable (ODD) était de fournir  des soins de santé de qualité et un bien-être universel à tous les africain à  l'horizon 2063. Dans cette optique, le gouvernement ivoirien a mis en place un  programme ambitieux visant à fournir des soins de santé universels à sa  population en constante augmentation. à ce jour, la Côte d'Ivoire importe  environ 94 % des médicaments dont elle a besoin. L'Inde est un exportateur  de premier plan de médicaments de très bonne qualité et à des taux très  compétitifs. Cela devrait être pris en compte dans notre coopération dans ce  secteur critique, en gardant à l'esprit les domaines où les expériences et les  remèdes indiens pourraient être le mieux adaptés aux besoins de la Côte d'Ivoire  en matière de soins de santé.
                                
La coopération entre l'Inde et la Côte d'Ivoire dans le domaine de la santé  revêt une importance particulière dans ce contexte. La Côte d'Ivoire importe  des produits pharmaceutiques pour un coût annuel d'environ 300 millions  d'euros. Si nous mettons en place des installations pour la production locale,  nous pourrons non seulement réduire cette facture, mais aussi créer des  milliers d'emplois pour les Ivoiriens. Je suis donc persuadé qu'une coopération  plus étroite dans le domaine pharmaceutique peut changer la donne et faire  passer nos relations bilatérales à un niveau supérieur.
                                
Q. On assiste dans votre  pays à une montée en puissance de l'industrie automobile. Quels sont les  domaines de coopération que l'Inde souhaite développer sur ce front avec la  Côte d'Ivoire ?
                                
R: Il ne s'agit pas de ce que l'Inde veut, mais de ce que  l'Inde et la Côte d'Ivoire peuvent réaliser ensemble. Oui, l'industrie  automobile indienne est en plein essor. Cela, l'Inde le doit à sa capacité à concevoir,  développer et fabriquer des produits de classe mondiale entièrement sur place.  Au cours des deux dernières décennies, la croissance de l'industrie a été  multipliée par 15 pour les véhicules de tourisme, par 24 pour les SUV et par 12  pour les deux-roues. Grâce à cette croissance impressionnante, l'industrie  automobile indienne est passée du 16e au 5e rang mondial et devrait bientôt se  hisser au 3e rang. Le secteur de l'automobile fait beaucoup de bien au secteur  des MPME, qui est un grand pourvoyeur d'emplois et un moteur important de la  croissance économique en Inde. Elle contribue de manière significative au PIB  et représente plus de 8 millions d'emplois directs et pas moins de 30 millions  d'emplois indirects dans la chaîne de valeur. Ma conviction est que le secteur  de l'automobile est un domaine de coopération prometteur, car les automobiles  indiennes sont plus compétitives en termes de coûts et sont plus durables et  plus robustes pour les routes ivoiriennes.
                                
Q. L'Inde a célébré les  75 ans de son indépendance, quels ont été les temps forts de cette célébration  en Côte d'Ivoire ?
                                
R: Merci pour cette question. L'Inde a célébré « Azadi  ka Amrit Mahotsav » dans le monde entier pour commémorer les 75 ans de  progrès, de réalisations et d'histoire glorieuse de son peuple. Dans le cadre  de cette célébration, l'Ambassade de l'Inde à Abidjan, en partenariat avec TATA  Motors, a organisé le 21 janvier dernier, « India@75  TATA Motors Rally » - un convoi de 75 véhicules TATA et autres  d'Abidjan à Yamoussoukro. Le même jour a eu lieu le quatrième forum d'affaires  Inde-Côte d'Ivoire qui a été inauguré par le Ministre du Commerce et de  l'Industrie, S.E. M. Souleymane Diarrassouba. En outre, deux programmes  culturels « India@75 » se sont tenus les 21 et 23 janvier, respectivement  à Yamoussoukro et à Abidjan, où une troupe culturelle indienne dénommée « Dance  Era » a enthousiasmé le public.
                                
En plus des événements commerciaux et culturels, l'Ambassade de l'Inde à  Abidjan a également organisé une série de camps médicaux gratuits et fait don  de médicaments essentiels aux hôpitaux publics de différentes communes de Côte  d'Ivoire. Ce sont notamment l'hôpital général de Bonoua le 14 août, l'hôpital  général d'Adzopé le 11 septembre, l'hôpital général de Dabou le 2 octobre,  l'hôpital général d'Anyama le 13 novembre et l'hôpital général de Ouassakara  Attié Yopougon les 11 et 12 décembre 2021. à chacun de ces camps, ce sont entre  500 à 600 personnes qui ont bénéficié gratuitement de consultations médicales,  d'examens pathologiques, et de médicaments. Les médicaments offerts à chaque  hôpital par l'ambassade de l'Inde et les entreprises pharmaceutiques indiennes  représentent une valeur allant de 10 à 12 millions de francs CFA.
                                
L'Inde et la Côte d'Ivoire ont obtenu leur indépendance politique il y a  déjà plusieurs années, mais elles doivent encore se libérer des maladies.  L'idée d'organiser ces camps médicaux était de démontrer qu'il ne peut y avoir  de meilleur partenaire pour la Côte d'Ivoire que l'Inde dans sa marche vers  l'indépendance sur le plan sanitaire. Pour atteindre cet objectif, nos deux  gouvernements doivent jouer le rôle de facilitateurs, afin d'encourager l'essor  de l'industrie de la santé par le biais d'une R&D conjointe. Cela permettra  de combattre les menaces communes que représentent les maladies nouvelles et  émergentes comme la pandémie de covid-19 et de tracer la voie d'une coopération  gagnant-gagnant. De tels efforts contribueraient certainement à la réalisation  des objectifs communs en matière de soins de santé. Et pour cela, l'Inde est  prête à marcher avec le peuple ami de Côte d'Ivoire.
                                
Q. Selon vous, quelles  perspectives de collaboration pourraient être envisagées entre les deux pays  pour les 10 à 15 prochaines années ?
                                
R: Notre coopération doit être résolument tournée vers  l'avenir, afin de renforcer notre engagement dans des domaines essentiels tels  que le commerce, les investissements, l'agriculture, les TIC, la santé et  l'industrie pharmaceutique, l'automobile, l'éducation, le renforcement des  capacités et des compétences, voire la défense et la sécurité. Nos  gouvernements devraient examiner le potentiel considérable de notre  partenariat, en particulier dans les domaines où nos forces respectives sont  totalement complémentaires.
                                
Pour nos deux pays, l'avenir s'annonce prometteur et nous devrions être en  mesure de développer des relations bilatérales à la hauteur des aspirations de  chaque Ivoirien et de chaque Indien.
                                
 
                                
Merci