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Interview de l'Ambassadeur, S.E.M. Sailas Thangal avec le Journal Fraternité Matin

Posted on: January 26, 2022 | Back | Print

Q : Monsieur l'Ambassadeur, quels sont vos vœux pour une meilleure coopération entre la Côte d'Ivoire et l'Inde en cette nouvelle année (2022), et qu'est-ce que l'Ambassade de l'Inde envisage de faire dans ce sens ?

R : Tout d'abord, je vous souhaite, à vous et au peuple ami de la Côte d'Ivoire, une très bonne année au nom du peuple et du gouvernement de l'Inde. à l'aube de cette nouvelle année pleine d'espoir, je crois fermement que nous surmonterons ensemble la pandémie de Covid-19. Nous espérons également travailler davantage au renforcement de nos liens bilatéraux. L'Inde et la Côte d'Ivoire sont des démocraties dynamiques, multilingues et multi-religieuses qui entretiennent des relations cordiales et harmonieuses.

Bien que solides, nos relations ne sont pas encore à la hauteur de leur énorme potentiel. C'est pourquoi, l'Ambassade de l'Inde, dans la mesure de ses capacités limitées, est allée au-delà de la simple mise à disposition d'informations afin de libérer ce potentiel. Spécifiquement, elle a engagé de manière proactive ses interlocuteurs ivoiriens dans les domaines du commerce et des investissements. Ainsi, en coordination avec le CEPICI et la Chambre de Commerce et d'Industrie de Côte d'Ivoire, l'Ambassade a déjà organisé trois forums d'affaires Inde-Côte d'Ivoire. Le quatrième et dernier en date s'est tenu le 21 janvier 2022, à Yamoussoukro. Ces forums ont facilité les interactions B2B, B2G et B2C, qui ont commencé à porter leurs fruits.

Je suis impatient de travailler avec nos interlocuteurs ivoiriens dans le but de renforcer notre partenariat, en m'appuyant sur la bonne volonté et la chaleur que nos peuples partagent l'un pour l'autre. Mes efforts viseront à promouvoir davantage l'Inde en Côte d'Ivoire et vice versa.

Q- Quels efforts pourraient permettre aux deux pays d'améliorer leurs relations bilatérales, notamment dans les secteurs clés de l'économie ? Quel est l'état de cette coopération aujourd'hui ?

R: Pour l'Inde, la Côte d'Ivoire est un partenaire important. Nous partageons des préoccupations communes dans les forums internationaux et sommes attachés au multilatéralisme. Ces dernières années, nos échanges et interactions se sont considérablement approfondis et ont gagné en substance et en contenu, du fait des immenses possibilités de coopération disponibles. Pour débloquer et exploiter ces opportunités, nous devons travailler ensemble en tant que partenaires égaux, en particulier dans les secteurs clés où nous avons des complémentarités, tels que la santé et l'industrie pharmaceutique, l'éducation, le renforcement des capacités et la formation, les TIC, l'agriculture, les industries agroalimentaires, l'automobile et les mines. Nous devons également encourager les relations entre nos peuples et  promouvoir non seulement le commerce, mais aussi le tourisme. Dans ce sens, la communauté indienne dynamique de Côte d'Ivoire a été et peut toujours être un pont indispensable à la consolidation de nos liens bilatéraux.


 

Q. Comment la communauté indienne de Côte d'Ivoire contribue-t-elle au développement de notre pays ?

R: La diaspora constitue un pont important dans le développement de relations bilatérales solides entre les pays et permet de générer une valeur ajoutée inestimable. La communauté indienne en Côte d'Ivoire est relativement petite, mais très dynamique. La majorité des hommes d'affaires indiens sont impliqués dans le commerce et se retrouvent dans des secteurs clés de l'économie ivoirienne comme l'agriculture, la transformation de la noix de cajou, le coton, les soins de santé, la pharmacie, ainsi que l'automobile. La communauté et les entreprises indiennes ont contribué de manière significative au développement du pays au fil des ans. On compte près de 200 entreprises indiennes ou entreprises contrôlées par des intérêts indiens en Côte d'Ivoire. Ces entreprises réalisent des investissements et emploient des milliers d'Ivoiriens. En plus de fournir des emplois, elles contribuent également à la formation des populations locales et à l'amélioration de leurs perspectives d'avenir.

Ces deux dernières années ont été marquées par d'importants défis internationaux liés à la pandémie de COVID-19. Toutefois, en raison des liens organiques entre les peuples de l'Inde et de la Côte d'Ivoire, cette situation n'a pas entamé les fortes relations économiques qui lient les deux pays. Dans la reconstruction des pans de l'économie qui ont été touchés, et de l'économie en générale, les entreprises indiennes continueront à jouer un rôle important. En outre, l'augmentation du volume commercial et des investissements - essentiels pour garantir une économie forte en stimulant la productivité et la création d'emplois - apparait comme un levier incontournable pour surmonter les défis économiques sans précédent posés par la pandémie.

Toujours face à la pandémie, la communauté indienne de Côte d'Ivoire s'est montrée à la hauteur de la situation et s'est associée aux efforts d'atténuation déployés par le gouvernement ivoirien. La République de l'Inde de son côté, a autorisé l'exportation de médicaments nécessaires à la Côte d'Ivoire et a fait don de 50 000 vaccins Covid-19, fabriqués en Inde. Alors que nous sortons lentement de la crise, l'Inde se réjouit de travailler avec la Côte d'Ivoire pour améliorer considérablement sa coopération dans les domaines de la santé et de l'industrie pharmaceutique.

Q. Selon certains rapports, les relations commerciales entre l'Inde et la Côte d'Ivoire continuent de croître et sont estimées à 457 milliards de FCFA en 2017, et 569 milliards en 2018, soit une augmentation de 24,5 %. Quelle est la situation aujourd'hui ?

R. Au fil des ans, nos relations bilatérales ont fait du chemin. Elles se sont diversifiées dans plusieurs domaines et se sont développées à pas de géant. Le commerce et les investissements se sont également développés progressivement. Outre le commerce traditionnel de la noix de cajou, de nombreuses entreprises et plusieurs entrepreneurs indiens sont présents en Côte d'Ivoire, dans des secteurs clés de l'économie tels que l'agriculture et l'agro-industrie, les matériaux de construction, l'exploitation minière, l'industrie pharmaceutique et l'automobile. Selon des études récentes, les entreprises indiennes en Côte d'Ivoire ont investi plus d'un milliard de dollars US dans divers secteurs de l'économie. Le commerce bilatéral entre les deux nations qui s'élevait à seulement 344,99 millions USD en 2011, a franchi la barre du milliard USD en 2019. Il y a eu une légère baisse en 2020 en raison de la pandémie de covid-19. Je suis convaincu que cela reprendra bientôt. Nous nous attendons à davantage d'investissements indiens en Côte d'Ivoire, car nos économies commencent à se dégager de l'ombre de cette pandémie. Selon les données officielles, le commerce bilatéral entre nos deux pays, d'avril à octobre 2021, s'élève à 616 millions de dollars.

Q. Pensez-vous que la valeur de ces échanges reflète une bonne coopération entre la Côte d'Ivoire et l'Inde ?

R. Je pense, effectivement, que le commerce et les investissements bilatéraux ont connu une croissance régulière au fil des ans et que cela reflète une bonne coopération. Toutefois, nous devrions redoubler d'efforts afin de libérer le potentiel existant.

Q. La Côte d'Ivoire étant le plus grand producteur de noix de cajou au monde, et l'Inde le plus grand transformateur de noix de cajou au monde, qu'est-ce qui peut être fait, à votre avis, pour optimiser les revenus des deux partenaires ?

R. Oui, la Côte d'Ivoire est le plus grand producteur et exportateur de noix de cajou brutes et l'Inde est le plus grand transformateur et consommateur de noix de cajou. Pour moi, il s'agit d'un mariage parfait en termes de coopération. Jusqu'à récemment, l'Inde était le principal importateur de noix de cajou brutes de Côte d'Ivoire. Toutefois, notre coopération dans ce secteur s'accroît en termes de valeur ajoutée, car les investisseurs indiens installent désormais des unités de transformation en Côte d'Ivoire. Selon les données disponibles, l'investissement privé de l'Inde dans cette industrie est de l'ordre de 118 millions de dollars. La plus grande unité de transformation de noix de cajou a été mise en place par un investisseur indien avec une capacité installée de transformation de 50.000 tonnes de noix de cajou brute. Elle peut être portée à 70 000 tonnes, un objectif que la société espère atteindre d'ici 2022-23.

Q. La coopération entre la Côte d'Ivoire et l'Inde comprend également le parc technologique de Grand-Bassam. Comment évolue cette coopération et, le cas échéant, quelles sont les perspectives dans ce domaine ?

R. Le projet de développement bilatéral du parc informatique et biotechnologique Mahatma Gandhi au VITIB, à Grand Bassam, est un exemple brillant de l'engagement de l'Inde et de notre excellente coopération. Le projet comprend la toute première usine d'assemblage d'ordinateurs du pays et le tout premier laboratoire d'ADN, un laboratoire de mise en réseau informatique, un centre de stockage de données et un laboratoire audiovisuel, entre autres.

Le parc offre des avantages tels qu'une exonération fiscale sur les revenus pendant cinq ans, une exonération de TVA, une exonération des droits de douane sur les importations - de matériel et des équipements de construction et d'infrastructure en particulier - et les exportations, entre autres. Aujourd'hui, le parc informatique abrite 70 entreprises et vise à créer 40 000 emplois à long terme, ainsi qu'un complexe résidentiel offrant des logements à près de 20 000 employés. Le VITIB a réussi à attirer de nombreux investisseurs, dont deux entreprises pharmaceutiques indiennes de pointe, M/s Africure Pharma et M/s Pharmanova. Africure a une capacité de production annuelle d'environ 1 milliard de comprimés et de 15 millions de sirops. Pharmanova a une capacité de production de 215 millions de comprimés et de 10 millions de capsules par an. Ces deux entreprises pharmaceutiques indiennes peuvent contribuer à réduire la dépendance excessive de la Côte d'Ivoire vis-à-vis des importations et à faire baisser le coût des médicaments dans le pays.

Q. Qu'en est-il de la mise en œuvre de la plateforme de collaboration Côte d'Ivoire-Inde dans le domaine de la santé ?

R. Le sommet de l'UA en 2015 a défini un Agenda 2063 pour parvenir à une Afrique prospère grâce à un développement inclusif et durable. Le but principal des Objectifs de Développement Durable (ODD) était de fournir des soins de santé de qualité et un bien-être universel à tous les africain à l'horizon 2063. Dans cette optique, le gouvernement ivoirien a mis en place un programme ambitieux visant à fournir des soins de santé universels à sa population en constante augmentation. à ce jour, la Côte d'Ivoire importe environ 94 % des médicaments dont elle a besoin. L'Inde est un exportateur de premier plan de médicaments de très bonne qualité et à des taux très compétitifs. Cela devrait être pris en compte dans notre coopération dans ce secteur critique, en gardant à l'esprit les domaines où les expériences et les remèdes indiens pourraient être le mieux adaptés aux besoins de la Côte d'Ivoire en matière de soins de santé.

La coopération entre l'Inde et la Côte d'Ivoire dans le domaine de la santé revêt une importance particulière dans ce contexte. La Côte d'Ivoire importe des produits pharmaceutiques pour un coût annuel d'environ 300 millions d'euros. Si nous mettons en place des installations pour la production locale, nous pourrons non seulement réduire cette facture, mais aussi créer des milliers d'emplois pour les Ivoiriens. Je suis donc persuadé qu'une coopération plus étroite dans le domaine pharmaceutique peut changer la donne et faire passer nos relations bilatérales à un niveau supérieur.

Q. On assiste dans votre pays à une montée en puissance de l'industrie automobile. Quels sont les domaines de coopération que l'Inde souhaite développer sur ce front avec la Côte d'Ivoire ?

R: Il ne s'agit pas de ce que l'Inde veut, mais de ce que l'Inde et la Côte d'Ivoire peuvent réaliser ensemble. Oui, l'industrie automobile indienne est en plein essor. Cela, l'Inde le doit à sa capacité à concevoir, développer et fabriquer des produits de classe mondiale entièrement sur place. Au cours des deux dernières décennies, la croissance de l'industrie a été multipliée par 15 pour les véhicules de tourisme, par 24 pour les SUV et par 12 pour les deux-roues. Grâce à cette croissance impressionnante, l'industrie automobile indienne est passée du 16e au 5e rang mondial et devrait bientôt se hisser au 3e rang. Le secteur de l'automobile fait beaucoup de bien au secteur des MPME, qui est un grand pourvoyeur d'emplois et un moteur important de la croissance économique en Inde. Elle contribue de manière significative au PIB et représente plus de 8 millions d'emplois directs et pas moins de 30 millions d'emplois indirects dans la chaîne de valeur. Ma conviction est que le secteur de l'automobile est un domaine de coopération prometteur, car les automobiles indiennes sont plus compétitives en termes de coûts et sont plus durables et plus robustes pour les routes ivoiriennes.

Q. L'Inde a célébré les 75 ans de son indépendance, quels ont été les temps forts de cette célébration en Côte d'Ivoire ?

R: Merci pour cette question. L'Inde a célébré « Azadi ka Amrit Mahotsav » dans le monde entier pour commémorer les 75 ans de progrès, de réalisations et d'histoire glorieuse de son peuple. Dans le cadre de cette célébration, l'Ambassade de l'Inde à Abidjan, en partenariat avec TATA Motors, a organisé le 21 janvier dernier, « India@75 TATA Motors Rally » - un convoi de 75 véhicules TATA et autres d'Abidjan à Yamoussoukro. Le même jour a eu lieu le quatrième forum d'affaires Inde-Côte d'Ivoire qui a été inauguré par le Ministre du Commerce et de l'Industrie, S.E. M. Souleymane Diarrassouba. En outre, deux programmes culturels « India@75 » se sont tenus les 21 et 23 janvier, respectivement à Yamoussoukro et à Abidjan, où une troupe culturelle indienne dénommée « Dance Era » a enthousiasmé le public.

En plus des événements commerciaux et culturels, l'Ambassade de l'Inde à Abidjan a également organisé une série de camps médicaux gratuits et fait don de médicaments essentiels aux hôpitaux publics de différentes communes de Côte d'Ivoire. Ce sont notamment l'hôpital général de Bonoua le 14 août, l'hôpital général d'Adzopé le 11 septembre, l'hôpital général de Dabou le 2 octobre, l'hôpital général d'Anyama le 13 novembre et l'hôpital général de Ouassakara Attié Yopougon les 11 et 12 décembre 2021. à chacun de ces camps, ce sont entre 500 à 600 personnes qui ont bénéficié gratuitement de consultations médicales, d'examens pathologiques, et de médicaments. Les médicaments offerts à chaque hôpital par l'ambassade de l'Inde et les entreprises pharmaceutiques indiennes représentent une valeur allant de 10 à 12 millions de francs CFA.

L'Inde et la Côte d'Ivoire ont obtenu leur indépendance politique il y a déjà plusieurs années, mais elles doivent encore se libérer des maladies. L'idée d'organiser ces camps médicaux était de démontrer qu'il ne peut y avoir de meilleur partenaire pour la Côte d'Ivoire que l'Inde dans sa marche vers l'indépendance sur le plan sanitaire. Pour atteindre cet objectif, nos deux gouvernements doivent jouer le rôle de facilitateurs, afin d'encourager l'essor de l'industrie de la santé par le biais d'une R&D conjointe. Cela permettra de combattre les menaces communes que représentent les maladies nouvelles et émergentes comme la pandémie de covid-19 et de tracer la voie d'une coopération gagnant-gagnant. De tels efforts contribueraient certainement à la réalisation des objectifs communs en matière de soins de santé. Et pour cela, l'Inde est prête à marcher avec le peuple ami de Côte d'Ivoire.

Q. Selon vous, quelles perspectives de collaboration pourraient être envisagées entre les deux pays pour les 10 à 15 prochaines années ?

R: Notre coopération doit être résolument tournée vers l'avenir, afin de renforcer notre engagement dans des domaines essentiels tels que le commerce, les investissements, l'agriculture, les TIC, la santé et l'industrie pharmaceutique, l'automobile, l'éducation, le renforcement des capacités et des compétences, voire la défense et la sécurité. Nos gouvernements devraient examiner le potentiel considérable de notre partenariat, en particulier dans les domaines où nos forces respectives sont totalement complémentaires.

Pour nos deux pays, l'avenir s'annonce prometteur et nous devrions être en mesure de développer des relations bilatérales à la hauteur des aspirations de chaque Ivoirien et de chaque Indien.

 

Merci